Résumé : Le gouvernement Bolsonaro n’a pas démarré dans les faits, vacances d’été et carnaval oblige. L’incertitude demeure élevée au Brésil et vue de l’extérieur.
Les premiers jours du gouvernement Bolsonaro
Il ne se passe jamais grand chose au Brésil en janvier et en février pour cause de vacances d’été et de carnaval. Ce dernier vient de se terminer (6 mars).
Le gouvernement part avec quelques handicaps sérieux:
- Bolsonaro a failli mourir l’an dernier suite à un attentat politique survenu durant la campagne. Poignardé au niveau de l’intestin, Bolsonaro a subi plusieurs opérations lourdes. Ce n’est pas la meilleure entrée en matière pour une nouvelle présidence. Rien de quoi rassurer les investisseurs internationaux qui ont besoin de gages pour miser à nouveau sur le Brésil.
- Un des fils de Bolsonaro est embourbé dans une affaire d’emplois fictifs et de paiement illégaux (parlement de l’Etat de Rio de Janeiro). L’affaire est sortie comme par hasard au tout début de la présidence Bolsonaro…Il semble bien qu’il y a anguille sous roche, ce qui fragilise un président qui a été élu pour lutter contre la corruption.
L’entourage présidentiel
Vu de loin, on s’attend à ce que les militaires jouent le premier rôle autour de Bolsonaro. Et effectivement, ils sont présents en force à Brasilia et occupent plusieurs postes clés dont la vice-présidence. Mais, ils sont loin d’être le noyau central de la nouvelle administration. Trois groupes au moins intègrent les rangs de la garde rapprochée du président.
- Les libéraux économiques qui, pour la première fois depuis trente ans, ont une chance d’accéder aux manettes de la politique économique brésilienne. En effet, le Brésil de Lula et de Dilma a été le paradis du keynesianisme voire du dirigisme économique.
- Des représentants de la nouvelle droite brésilienne cristallisée dans la figure de l’intellectuel Olavo de Carvalho. Ce personnage controversé vit aux Etats-Unis et exerce une grande influence sur une partie de l’électorat de Bolsonaro. Pour aller vite, l’on peut affirmer que la préoccupation d’Olavo de Carvalho et de ses adeptes est de mener une “guerre culturelle” à la gauche.
- Les évangélistes qui ont réellement fait l’élection de Bolsonaro car pour la première fois les pasteurs évangélistes ont donné une consigne de vote pour la présidentielle.
Comment ces groupes vont travailler ensemble? Qui aura le dernier mot? Rien n’est sûr à ce stade et les choses se joueront certainement au cas par cas.
Au niveau économique par exemple, les militaires sont plutôt favorables au protectionnisme alors que les libéraux poussent fort pour faire éclater le carcan qui isole le Brésil du commerce international.
Trois hommes clés du nouveau gouvernement
Elu en octobre 2018, Bolsonaro a assumé ses fonctions le 01er janvier 2019. Une de ses premières mesures a été la nomination de trois ministres au profil extrêmement original au regard des traditions politiques brésiliennes.
- Sergio Moro, Ministre de la Justice. Considéré par beaucoup au Brésil comme un héros, l’homme de l’opération Lava Jato, a accepté de quitter Curitiba (sud) pour prendre le job le plus difficile du Brésil à mon avis. Celui qui a envoyé Lula en prison aime les défis apparemment puisqu’il va devoir faire face au crime organisé dont l’emprise sur le pays est très profonde. Il devra aussi tenir en respect (à défaut de réformer) un pouvoir judiciaire qui fait ce qu’il veut et quand il veut. En effet, les juridictions supérieures du Brésil (STJ et STF) ont habitué le pays et les investisseurs à des avis erratiques et à des coups de théâtre qui créent une insécurité juridique dont le pays pourrait se passer.
- Ricardo Velez Rodriguez, Colombien naturalisé Brésilien, Ministre de l’Education. Lui aussi aura une mission extrêmement difficile à la tête d’un ministère complètement pris en main par la gauche et les syndicats. Si le Brésil ne décolle pas, une bonne partie de la responsabilité repose sur des professeurs et un système qui ne parvient pas à transmettre les savoirs et les compétences. Et pour rendre les choses plus compliquées encore, la presse s’est laissée convaincre qu’il suffit d’augmenter les budgets pour que l’enseignement s’améliore, comme par magie.
- Paulo Guedes, super-ministre de l’Économie. Sur lui reposent les espoirs de la présidence de mener la réforme du système de retraites qui promet d’être un big bang sur tous les plans. Plus que nécessaire et urgente, cette réforme est un deal perdant-perdant pour tout le monde ou presque : les militaires, les fonctionnaires, les magistrats. Toutes les catégories protégées vont devoir accepter une dégradation sensible de leurs droits acquis.
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