Le président Bolsonaro vient d’effectuer une visite d’Etat à Washington, un déplacement hautement symbolique. En effet, Bolsonaro et Trump sont proches sur le plan idéologique et sont perçus comme des outsiders, condamnés à jamais à subir l’hostilité de l’establishment médiatique et universitaire de leur pays respectif. Toutefois, cette proximité ne devrait pas, à mon avis, se traduire par une collaboration intense car les Brésiliens recherchent l’amour et le respect des Américains alors que ceux-ci ont besoin d’alliés dociles et disciplinés en Amérique Latine.
Complexe d’infériorité vs Indifférence
Les Brésiliens admirent la réussite économique américaine. Ils ne ratent aucune occasion de se rendre aux Etats-Unis. Je connais des Brésiliens qui ont visité les Etats-Unis plus d’une dizaine de fois avant d’avoir songé à mettre les pieds en Europe, terre de leurs ancêtres. Habitués à l’ultra-violence urbaine et à une économie instable, les Brésiliens envient les Américains et leur mode de vie. Ils rêvent de vivre à Miami, « un Rio de Janeiro » sans agressions et sans chômage…
De leur côté, les Américains observent les Brésiliens avec détachement et incompréhension. Ils ne comprennent pas comment un pays aussi riche sur le papier fait du sur place voire recule au niveau économique. Ils rient de la propension brésilienne à croire que le monde entier conspire pour voler dépecer l’Amazonie et la mettre sous influence. Enfin, ils se désintéressent d’un monde latino difficile à lire à distance et qui leur envoie des signaux contradictoires : tantôt de l’admiration, tantôt une hostilité teintée de jalousie.
Tel est l’environnement émotionnel dans lequel baigne les relations entre Brasilia et Washington. Et il est étonnamment stable et pérenne. L’alignement cosmique qui a placé Bolsonaro et Trump aux commandes de leur pays respectif n’y changera pas grand-chose. Les Brésiliens ont besoin d’amour, ils veulent se sentir respectés par les élites américaines ; les Américains souhaitent recevoir des gages de loyauté et de sérieux. C’est une relation déséquilibrée car les uns pensent avec le cœur alors que les autres le font avec la Raison. Déception garantie…
Ambitions limitées
L’épreuve de vérité se présentera assurément sur le terrain macroéconomique. Le Brésil est un pays fermé qui garde les secteurs les plus lucratifs à l’abri de la concurrence internationale. Les travaux publics, l’infrastructure et l’exploitation minière en font partie. Est-ce que l’équipe de Bolsonaro parviendra ne serait-ce qu’à entrouvrir la porte de ces secteurs aux Américains ? Rien n’est moins sûr.
Sur le plan diplomatique, les Américains n’attendent pas grand-chose des Brésiliens car ils peuvent déjà compter sur les Colombiens, alliés fidèles. Et de toute façon, une ingérence étrangère au Venezuela ne se fera pas selon les canons de la guerre conventionnelle avec des parachutistes et des avions bombardiers. Il est fort probable qu’un scénario de guerre asymétrique soit privilégié comme en Syrie où des groupes armés irréguliers ont mis le pays à feu et à sang. Et il y a pléthore de combattants désœuvrés (ex-FARC), de cartels surarmés et de mercenaires dans la zone frontière entre la Colombie et le Venezuela. C’est de ce côté-là qu’il faut regarder si l’on veut tracer des scénarios à court et à moyen terme.
Des bonnes surprises sont à attendre sur le plan technologique et scientifique. Plusieurs laboratoires brésiliens (civils et militaires) ont développé des solutions ingénieuses dans le domaine des drones, de l’avionique et des cultures OGM. Il y a fort à parier que des accords de collaboration bien ciblés pourraient libérer le potentiel de ces innovations en leur ouvrant l’accès au marché américain et à des capitaux frais.
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