« On ne fait rien de grand sans le fanatisme »
Gustave Flaubert, Correspondance, à Louise Collet, 1853
De reculade en reculade, nous, les amoureux de la civilisation française, assistons au triomphe du progressisme, la tête baissée et les larmes aux yeux. Notre lucidité et la justesse de notre diagnostic ne sont d’aucune utilité car la majorité de la population a décidé de débrancher le tableau de bord et de cultiver son jardin. Notre défaite est d’autant plus déroutante que l’ennemi est faible. Nous nous faisons casser la gueule par des nains qui, dans des conditions normales, seraient exilés dans une réserve naturelle où l’on conserverait les idées mortes et les idéologies fatiguées. Nos maîtres prennent leurs ordres chez Greta Thunberg et osent conjuguer, dans la même phrase, islamisme et féminisme.
La source de notre malheur est simple : nous ne sommes pas fanatiques. Comme tous les modérés, nous avons raison sur le plan conceptuel mais tort sur celui des méthodes. Tel un boxeur menotté, nous avons tout compris à la dynamique du match et sommes incapables de donner le moindre coup. Pire, l’arbitre encourage la partie adverse à nous achever au mépris des règles élémentaires du jeu. L’arbitre est tantôt la presse bienpensante, ce quatrième pouvoir qui a les yeux fixés sur 1940, tantôt la Justice (ou une partie de la magistrature) qui, au lieu de séparer les corps en lutte, jette du sel sur nos blessures ouvertes. L’arbitre se comporte ainsi car nous n’avons aucun prestige, ce qui nous prive du soutien et de la sympathie de la majorité silencieuse. Nous lyncher relève du crime parfait car le coupable se voit décerner un certificat de progressisme à chaque coup tordu.
On ne gagne aucune guerre sans une dose de fanatisme. C’est encore plus vrai lorsque l’on part de loin, d’une position de faiblesse comme la nôtre.
Le fanatisme est autre chose que l’extrémisme religieux ou le délire sur fond de haine ethnique qui se manifeste parfois en Inde ou au Rwanda par exemple. Le fanatisme est avant tout l’attachement viscéral et exclusif à une cause au point de perdre amis, famille et situation. Un fanatique est un homme ou une femme qui ne s’empêche plus. Il s’autorise à puiser au fond de lui-même les ressources que la civilisation a toujours utilisées pour provoquer le changement : la fureur, l’optimisme absolu et un certain grain de folie. Le fanatisme est l’arme des faibles et nous autres, ennemis du progressisme, sommes très faibles.
Or, la droite et les gens de droite se refusent à toute forme de fanatisme. Ils préfèrent recevoir les coups d’une manière noble alors que la vraie noblesse, celle du Moyen Age, était tout sauf douceur et soumission.
Il n’y a aucun mal à être violent car la violence est utile. Elle dissuade l’adversaire et l’incite à respecter les règles du jeu. Il n’y a que les non-violents qui se font lyncher. Et l’exemple de Ghandi est, en réalité, une leçon à méditer par la droite : il suffit de compter le nombre de morts en Inde au Pakistan en 1947/48 pour comprendre que la théorie de la non-violence ne résiste pas au choc de la réalité. Elle vit dans une couveuse implantée dans nos esprits par ceux qui veulent priver la génération actuelle de tout esprit guerrier. Or, cultiver l’esprit guerrier est un droit (un droit de l’homme ?) surtout lorsque l’on est attaqué.
Seul le fanatisme peut annuler l’avantage de l’ennemi et transformer ses actifs en passifs. Ce ne sont pas les tanks qui gagnent la guerre mais des idées incandescentes qui se font face. Une idée incandescente attire à elle les êtres les plus dynamiques et stimule en eux des ressources psychiques insoupçonnées. En 1940, il fallait être fanatique de la France pour rejoindre De Gaulle.
Pour éviter tout malentendu, je préciserai que la violence n’a pas besoin de se réaliser à travers les coups. Elle doit d’abord habiter la pensée des résistants c’est-à-dire la pensée de tous ceux qui refusent le statut quo progressiste. Qu’ils commencent par se faire violence eux-mêmes en cessant d’aimer la modération et leur vocation d’éternels modérés. On n’évite pas un infarctus par des caresses et de l’acuponcture. Au contraire, on ranime vigoureusement le malade quitte à lui casser des côtes.
L’islamisme, le plus grand ennemi de la France, est fanatique. Il ne s’en porte que mieux puisque tous les musulmans « modérés » sont soit morts soit exilés hors de portée des « grands frères » avec lesquels nos maîtres progressistes rêvent de « dialoguer ». Ils veulent organiser l’Islam de France disent-ils, une belle chimère.
Pour sortir enfin de cet état pathologique nommé modération, il faudrait accepter de s’administrer une dose de fanatisme. Toute la question est de savoir lequel car, à droite, aucune idéologie n’a le potentiel d’enflammer les âmes.
Evacuons de suite les idées nauséabondes qui vivent dans la nostalgie du fascisme. Être fanatique ne signifie pas être inhumain ou criminel.
Evacuons aussi l’idée de la laïcité car elle est programmée (génétiquement) pour éradiquer le Catholicisme. L’islamisme ne l’intéresse pas car il ne porte pas de soutane et ne célèbre pas de messe le dimanche. C’est bien dommage car la laïcité a toujours cultivé un certain fanatisme qui a fait d’elle une force excessive, intolérante et inflexible. Violente à plus d’un égard. Ce ne sont que des qualités quand on raisonne dans l’ordre du fanatisme, des qualités inutiles désormais puisque l’ennemi n’est plus le même.
Evacuons aussi les idées managériales de l’aile libérale de la droite car jamais personne ne se sacrifiera pour la liberté économique ou le contrôle de l’inflation. Le dogme libéral dit juste à plus d’un titre mais il est ce que l’intendance est à la grande stratégie militaire : important certes mais jamais suffisant pour vaincre.
Inventer un fanatisme est aussi difficile que créer une œuvre populaire car il est plus facile de séduire une niche de doctorants que de parler au plus grand nombre. Il faudrait raisonner en des termes nouveaux : commencer par les émotions avant d’arriver aux idées. Penser en termes de mélodie car le fanatisme est une chanson douce qui désarme les réticences de la raison et emporte la seule adhésion qui compte : celle de l’âme. Or, l’âme n’est pas sensible aux chiffres ni aux discours savants. Elle rentre en résonnance avec les histoires qui sont bien racontées. Elle s’identifie aux tourments des faibles et s’indigne devant l’arrogance des puissants. Elle aime voir la justice advenir là où, à l’origine, il n’y avait que malheur et tyrannie. Elle raisonne en termes de « nous » et « eux » d’où le succès des idées qui avancent en posant des barbelés. Une dose d’animosité est nécessaire pour qu’une idée puisse « intéresser » l’âme.
Il faut donc évacuer les idées qui manquent leur cible, celles qui s’adressent au cortex cérébral et non à l’âme comme la démocratie participative et le projet d’une Europe des peuples. Trop de variables, trop d’abstraction, pas assez d’émotion.
Pour déterminer si une idée a une chance d’enflammer les âmes, posez-vous la question si elle définit clairement le camp du Bien et du Mal. Demandez-vous aussi si elle formule une promesse claire et facile à retenir et propager.
Le progressisme a pris le soin de distinguer les siens (les bien-pensants) des autres (les mal-pensants c’est-à-dire nous). Il a également fait une promesse mais elle souffre d’un grave défaut : elle est court-termiste puisque quiconque peut exiger qu’elle soit tenue de son vivant. D’où le grand malaise dans la civilisation.
Le progressisme a promis la liberté sexuelle (une idée de génie). Et nous n’avons pas tardé à constater qu’une sexualité libérée ne libère ni de la frustration ni des inégalités inhérentes à la nature humaine. Tout le monde se rend compte que les critères de beauté, de jeunesse et de bonne santé financière ont le dernier mot en matière sexuelle.
Le progressisme a promis le vivre-ensemble. Et chaque jour est un démenti cinglant (ou sanglant) à cette promesse stupide. La preuve en est que le progressisme nous interdit ne serait-ce que de rapporter les faits divers. Tout est gommé et atténué dans l’espoir de cacher le soleil par un tamis (proverbe marocain).
Il n’y a pas de quoi se réjouir pour autant car l’ennemi peut se passer du fanatisme. Il dispose de l’argent de la grande bourgeoisie, de l’attention des médias et des méthodes de subversion du communisme. C’est nous qui n’avons d’autre choix que d’inventer un fanatisme et le plus vite serait le mieux.
Fanatisme ne signifie pas irréalisme. Rien d’utile ne sera réalisé si on ne regarde pas la France en face, une nation diverse où vivent plusieurs ethnies, confessions et manières de sentir le monde. Le patriotisme et l’amour de la civilisation française ne peuvent, en aucun cas, devenir des sentiments fossilisés que l’on admire dans les romans aux pages jaunies.
Ces mots peuvent choquer une partie des lecteurs qui rêvent d’un retour au passé. Je leur dis que les Français de branche n’ont pas encore donné à la France ce qu’elle est en droit d’attendre d’eux. Viendra le jour où la Renaissance Française, ce réveil ardemment désiré par tous les amoureux de la France, sera porté par ces nouveaux-venus. Non, ils ne sont pas tous aigris ou assoiffés de revanche comme ces joueurs de foot qui crachent dans la soupe (ou au visage de la France qui leur a tout donné) !
Qui sait demain un Cid, à la peau matte et au grand cœur, lèvera son glaive pour défendre la France ? Ou un Bolivar au regard lumineux et résolu au sacrifice suprême pour une certaine idée de la France ?
Une nation est un acte de foi et toute foi a besoin d’un fanatisme pour la servir.
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