Les banlieues tremblent, les frères musulmans sont en état d’alerte et les gangsters font leurs valises : Monsieur Macron veut lutter contre le séparatisme. Tout ce que la France compte comme ennemi interne se prépare à subir l’assaut ferme et décidé du président de la République.
C’est une blague bien sûr à l’image des déclarations de ce président dont l’impuissance n’a d’égal que l’aplomb incroyable qu’il manifeste devant son échec à gouverner la France. A l’occasion de l’anniversaire des 150 ans de la République, le chef de l’Etat a promis de légiférer contre le séparatisme comme si le danger planant sur la France était un retour du maquis corse ou l’éclosion d’une rébellion en Bretagne. Incapable de nommer l’ennemi, Monsieur Macron se contente de paraboles et de généralités. Crachons le morceau à sa place puisqu’il a peur de parler vrai : ce n’est pas de séparatisme régional dont il s’agit mais de l’émergence territorial et politique d’un nouveau peuple au cœur de la République Française. Un peuple maghrébin de France cherche à s’affirmer en tant que tel avec ses valeurs et mentalités propres. Il s’agit d’autre chose que de religion ou de laïcité car une nouvelle société émerge sous nos yeux aves ses codes, son langage et sa sensibilité. Une société qui dispose de ses propres notions du tolérable et de l’intolérable, du licite et de l’illicite. La notion de Beau y est différente. Celle du Juste aussi.
Si Monsieur Macron et son entourage étaient lucides, ils saisiraient l’évidence d’une contre-société en formation qui a ses qualités et ses défauts. Contrairement à la société française, elle ne sent pas liée par le concept de Liberté auquel elle préfère de loin les notions de Transcendance et de Tradition. Elle n’a donc aucun mal à opposer un refus systématique aux minorités militantes qui veulent imposer le changement sociétal au nom de la Liberté. Il lui suffit d’invoquer Dieu et ses commandements pour se sortir d’affaire et garantir sa stabilité.
La contre-société maghrébine a ses zones d’ombres bien entendu et elles sont nombreuses. La plus détestable peut-être relève de son appétence pour l’arbitraire. Elle ignore en effet l’Egalité et ne comprend pas pourquoi la France met sur le même plan le grand seigneur et le simple mendiant, pourquoi elle leur confère les mêmes droits et les mêmes devoirs. A ses yeux, l’ordre naturel des choses consiste à reconnaître au fort le droit de dominer le faible jusqu’à un certain point et ce dans les limites (très larges) décrites par la religion. Loin d’y voir une injustice, elle y trouve au contraire le juste reflet des rapports de force. Il suffit de visiter un hôpital public dans n’importe quelle contrée du Maghreb pour être pris à la gorge par le spectacle d’une civilisation riche en oppression et pauvre en empathie.
Ces quelques traits (et il y en d’autres qui méritent d’être analysés avec soin) donnent une idée de l’ampleur du défi qui se pose à la France. Ce n’est pas de séparatisme dont il s’agit mais de l’affirmation politique et civilisationnel du Maghreb en France. Ce ne sont pas des cousins qui veulent se séparer (Bretons contre Normands ou Corses contre Continentaux) mais des parfaits étrangers qui se sentent légitimes pour occuper le même endroit.
Formés de descendants de Marocains, d’Algériens et de Tunisiens, ce peuple cristallise au quotidien une identité maghrébine qui n’est jamais advenue au sud de la Méditerranée à cause des des vieux contentieux qui ont toujours flatté les particularismes nationaux et aliéné les Arabes des Berbères. Réunies en France, ces différences perdent en acuité pour se fondre dans une identité nouvelle qui se résume au fait religieux, à une expérience commune de la « galère » et à un malaise profond vis-à-vis des évolutions sociétales hostiles au patriarcat.
Tous les Maghrébins de France ne participent pas au processus que nous venons de décrire. Par milliers, ils sont occupés à vivre et ils ont raison de le faire mais, le moment venu, ils auront à choisir, dans l’urgence et la douleur, comme à chaque fois où l’enfant doit choisir entre un père et une mère qui se détestent.
Demain, il n’est pas exclu que ce peuple maghrébin de France attire à lui des Africains qui y verraient une solution alternative à l’assimilation. En effet, l’effort à faire pour s’assimiler est immense, il nécessite un déracinement donc une souffrance qui, pour beaucoup, n’en vaut pas la peine étant donné l’affaiblissement croissant de la France. Qui voudra renoncer à son identité pour rejoindre une communauté nationale où les policiers sont lynchés ? Qui acceptera de devenir « autre » pour se retrouver au milieu d’une société où les hommes ne protègent pas les femmes contre les voyous et les violeurs en série ? Qui ressentira de la fierté devant le drapeau d’une nation qui admet que l’on déboulonne ses statues, que l’on profane ses églises et que l’on pille sa plus belle avenue (les Champs Elysées) ? Qui se réclamera de Marianne sachant que plus de 220 000 avortements ont lieu en France chaque année (soit 7 fois le nombre des décès causés par le corona) ? Symboliquement, la France est par terre car elle n’est plus une force, elle n’est que reculades et renoncements depuis une trentaine d’années.
Il suffit de voir l’alignement de plusieurs immigrés Maliens ou Guinéens sur l’Islam maghrébin pour percevoir l’ampleur du phénomène de bascule qui pointe à l’horizon. L’extension du port du voile chez les jeunes femmes sahéliennes en offre une illustration édifiante. Et il est fort probable que le peuple maghrébin de France accomplisse la prouesse d’unir des Noirs, des Arabes et des Berbères dans une même communauté de destin. Autrement dit et à son corps défendant, la France aura réussi à unifier le Maghreb et l’Afrique…sur son sol. Un miracle quand on a l’esprit la débâcle de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) et la paralysie de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA). Cruelle illustration du génie français.
Une fois ce contexte posé, parler de séparatisme relève du hors-sujet. C’est l’avenir de la France qui est en jeu. Un pays, deux peuples. Un pays, deux systèmes. Un pays, deux civilisations. C’est en ces termes que le futur risque de se poser à nous.
La France, berceau de la tradition diplomatique, ne peut pas ignorer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La France, patrie de Braudel et de Lévi-Strauss, ne peut pas se raconter d’histoires à elle-même avec cette notion ridicule du vivre-ensemble. Elle sait très bien que l’on n’empile pas les civilisations les unes sur les autres sans en payer les conséquences. C’est vrai dans les savanes vertes du Brésil comme au cœur de l’Île-de-France, la nature humaine étant la même partout.
Et en attendant, Monsieur Macron fait du en même temps en croyant amuser la galerie. Il feint la fermeté en parlant de séparatisme mais laisse Monsieur Dupont-Moretti réduire à un simple sentiment d’insécurité ce qui relève d’une véritable insurrection sans manifeste. Le Ministre de la Justice n’a pas compris ou ne veut pas comprendre que les exactions de la racaille participent d’un geste politique où un peuple avance et l’autre recule. A chaque policier rossé, à chaque commissariat pris pour cible, c’est une humiliation de plus infligée au peuple autochtone et une brèche de plus dans sa légitimité à dicter les règles du jeu.
Cette Ligue des Négationnistes, qui va bien au-delà de Messieurs Macron et Dupont-Moretti, ne rend pas service à la République Française. Elle lui crève les yeux au moment où elle a besoin de tout son discernement. Celle qui vient de fêter ces 150 ans d’existence devrait se souvenir qu’elle est au service de la France, une idée qui a commencé il y a 1500 ans à la chute de l’Empire Romain. Il n’y a de République Française que si la France demeure la France. Or, aujourd’hui et pour la première fois depuis très longtemps, la France risque d’exploser et l’Histoire se souviendra que la République n’a pas fait tout ce qu’elle pouvait pour la sauver.
Texte publié à l’origine sur Causeur.fr le 07/09/2020
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