L’Assemblée Nationale vient de décider que la fécondation in vitro sera à la portée des couples de lesbiennes et des femmes célibataires. C’était une promesse de campagne du candidat Macron (il avait aussi promis le retour de la croissance économique…).
Est-ce une avancée ? Très sincèrement, je n’en sais rien. A titre intime, je doute et oscille en mon for intérieur. Ma foi musulmane m’interdit d’approuver toute innovation en matière sociétal mais j’avoue qu’il est difficile de limiter la procréation médicalement assistée aux seuls hétérosexuels et d’en priver les homosexuels. Tout s’est joué à la fin des années 1990 avec le PACS, prélude au mariage pour tous. Depuis, on ne fait que tirer les conclusions à vrai dire.
Mme. Buzin n’a rien trouvé mieux à dire que d’affirmer que désormais « un père peut être une femme » ou « une grand-mère ». Et M. Mélenchon lui a décrété que la filiation n’a rien de biologique et qu’elle est une simple création sociale et culturelle. Il faudra alors qu’il nous explique pourquoi les bébés et les enfants ressemblent à leurs parents, qu’il nous explique pourquoi une mère est capable de tuer pour protéger son enfant sans qu’aucune norme sociale ne puisse l’en empêcher. Il y a bien un instinct enraciné au fond de notre psyché et il n’a pas attendu l’Assemblée Nationale ou la République Française pour avoir son mot à dire sur notre conduite. Un instinct qui exige la reproduction de la lignée, un instinct qui dicte la solidarité avec le semblable. Aucune jurisprudence ne pourra dissoudre les liens du sang.
En réalité, la filiation est tout à la fois : nature et culture. Ce problème est résolu depuis des milliers d’années : depuis que l’homme a quitté l’état de nature et a fondé des civilisations. Il n’y a aucun progrès à vouloir « débrancher » la civilisation française de la nature.
Bien sûr, affirmer que la filiation est à la fois biologique et culturelle engage des conséquences infinies. Des contradictions et des tensions qui sont au cœur de la tragédie humaine. Œdipe s’est crevé les yeux car il a couché avec sa mère : dommage qu’il n’ait pas connu les progressistes français qui lui auraient expliqué que sa mère qui l’a mis au monde n’était qu’une « construction sociale »…
Mélenchon nous dit que « c’est la fin du patriarcat ». Mais, que lui reprochez-vous à ce patriarcat ? Il a quand même permis à l’homme d’aller sur la Lune, de repousser toujours plus loin les limites de la science et de découvrir l’immense richesse et complexité du cerveau humain. Pourquoi s’acharner autant sur lui ? Il a permis de repousser les nazis hors de France car, à ce que je sache, les Résistants n’étaient ni des féministes ni des amazones. C’étaient des hommes et des femmes unis derrière le drapeau bleu-blanc-rouge.
On me dira que je suis et que je demeure un Arabe et un musulman donc un fanatique du patriarcat et du passé. Moi, je pointe simplement le fait que la France démantèle le patriarcat au centre de Paris alors qu’elle l’installe en Seine-Saint-Denis et dans les quartiers nord de Marseille. Chaque année, 200 000 adeptes du patriarcat arrivent sur le territoire français et ils ne sont pas disposés à adopter la PMA ! Ni encore moins le mariage homosexuel.
Il faut savoir ce que l’on veut. Une société ne saurait souffrir des modes de vie aussi divergents. On ne peut pas éradiquer le patriarcat des uns et exalter celui des autres. Pour être cohérent, M.Mélenchon devrait fustiger l’islamisme qui maintient la femme dans une situation de minorité et sous la tutelle de l’homme. Il devrait s’élever contre l’homophobie qui habite les mœurs et les coutumes islamiques. Il n’est pas interdit de rêver…
D’ailleurs, les islamistes exultent de l’adoption de la PMA. Ils ont un argument de plus pour démontrer que les droits de l’homme sont devenus fous ! Ils répondent aux « modernistes » comme moi que la défense des droits de l’homme n’est rien d’autre qu’un prétexte pour instaurer la « débauche » et des « pratiques contre-nature ». Ils nous accusent d’être le cheval de Troie d’un projet diabolique qui vise à déconstruire le patriarcat…
Dans le monde arabe et très certainement en Afrique subsaharienne, il devient très difficile de se réclamer des droits de l’homme. Tous les apprentis tortionnaires et aspirants dictateurs répondent en chœur : « ne nous parlez pas de vos droits de l’homme, nous savons que vous aspirez au final à instaurer le mariage gay et la procréation des couples homosexuels ».
Cela ne veut pas dire qu’il faut se résigner et renoncer à défendre les droits de l’homme. Il s’agit plutôt d’inventer une nouvelle doctrine de la dignité humaine qui puisse être opérationnel dans les pays musulmans et partout où le patriarcat a encore un sens. Nous autres, au sud, en sommes encore à interdire la torture, l’excision, l’esclavage et la persécution religieuse. Et ce n’est pas gagné. Nous en sommes encore à inventer les mécanismes pour contrôler l’action de l’Etat. Nous en sommes encore à imaginer des mesures pour éviter les crimes d’honneur. Nous en sommes encore à dissuader la foule de lyncher l’homosexuel. Oui, nous sommes en retard. Il aurait fallu réformer les lois pour garantir la liberté sexuelle et sacraliser l’intégrité physique et morale de l’individu. Oui, nous sommes en retard sur toute la ligne et j’en suis désolé à titre personnel. Nous sommes en retard et ce n’est pas la faute de la France, ni de M.Mélenchon ni de Mme. Buzin.
Il faudrait peut-être les remercier de nous avoir montré que la France a coupé le cordon ombilical avec sa vocation universaliste. Elle est désormais en orbite, loin, très loin des possibilités de tous les pays du sud qui l’ont prise comme modèle depuis leur accès à l’indépendance. C’est peut-être une très bonne nouvelle : sera enfin inventée une pensée authentiquement marocaine, algérienne, égyptienne et malienne de la dignité humaine. Une doctrine qui défende l’homme, la femme et l’enfant et pourquoi pas l’environnement. Le sud va enfin s’émanciper du nord et commencer à penser par lui-même. Il n’a pas le choix car le nord a largué les amarres pour de bon.
Leave a Comment