L’échec récent de la COP 25 va bien au-delà de la simple question du climat. Il symbolise l’atroce réalité de l’Europe Occidentale, devenue quantité négligeable dans le concert des nations. L’attitude de la suédoise Greta résume, avec une cruelle ironie, l’état d’esprit d’un continent qui a perdu la main, qui n’arrive plus à raconter une histoire qui fasse sens aux yeux de l’humanité. Malins, les Américains se tiennent à l’écart au même titre que les Chinois, les Russes et les Indiens, trop contents de voir l’Europe de l’Ouest devenir une puissance périphérique. Une puissance en déroute qui fait la morale au monde entier au lieu de l’entraîner dans son mouvement.
Cette défaite est à rajouter au fiasco des droits de l’homme, une invention européenne qui a perdu toute portée universelle. Au sud du Détroit de Gibraltar, il est désormais impossible de parler des droits de l’homme sans avoir à se démarquer du laxisme pénal et de la « PMA pour toutes ». A l’est, les Chinois instaurent le crédit social tandis que les Indiens s’accrochent à leur système de castes. Nous sommes loin d’un alignement du monde sur le « modèle européen ».
A court de munition, la civilisation européenne n’a plus rien à dire au monde. La fabrique d’idées révolutionnaires est à bout de souffle. L’inspiration s’est évaporée et le sublime semble définitivement hors de portée. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil par la fenêtre : l’architecture ne surprend plus. Pour faire du Beau, des fortunes sont mobilisées pour édifier des ouvrages auxquels manque une touche de divin, cette signature de l’esprit européen qui se manifeste à chaque coin de rue du Paris haussmannien. De Rome à Séville en passant par Berlin, les constructions récentes sont peut-être hautes, intelligentes et « durables » mais certainement pas sublimes.
Il y a quelque chose dans l’air qui évoque la stérilité. Une impression de déjà-vu qui ravive le souvenir de l’architecture soviétique : un art venu au monde essoufflé et qui a camouflé son immense fatigue derrière des tonnes et des tonnes de béton armé.
La dernière fois que les Français se sont essayés à l’architecture et à l’urbanisme d’une manière sérieuse, ça a donné La Défense, la Bibliothèque François Mitterrand, Cergy-Pontoise et une cohorte de villes nouvelles affligeantes sans oublier les sinistres écoquartiers qui ressemblent à un décor en papier mâché. La Rue de Rivoli demeure inégalée et inégalable, à mon grand regret.
La sinistrose est générale. L’art contemporain, né hier, est déjà à bout. On s’arrache désormais des créations à base de bananes scotchées sur un mur ! La musique aussi perd, d’une année sur l’autre, sa force d’étonnement. Son dernier grand rendez-vous avec le Beau a probablement été le rock. Tout un esprit occidental, une sensibilité particulière et reconnaissable entre mille autres, tout un monde glisse doucement vers la banalité.
La victoire a cent pères mais la défaite est orpheline
Les élites se gargarisent de l’avancée des sciences et des techniques car ce sont les deux dimensions de la vie intellectuelle où la lumière subsiste encore. Intelligence artificielle, génétique, énergies renouvelables : les dernières bonnes nouvelles proviennent des laboratoires et les élites s’y cramponnent comme les rescapés du Titanic se cramponnaient à leurs bouées. Pour combien de temps ? Le naufrage de l’esprit a déjà eu lieu.
La gauche est aux abonnés absents, elle n’assume pas le fiasco alors que ce triste bilan est le sien, elle qui est aux commandes de la civilisation depuis les années 1970. Toutes les choses sérieuses lui appartiennent ou lui obéissent : médias, facultés, milieux artistiques, cercles de réflexion, organismes internationaux.
La gauche a raison de ne pas reconnaître sa responsabilité dans le désastre car il n’y a pas d’alternative à son empire depuis que le marché et la bien-pensance se sont mariés. Une union impossible à rompre tant elle confine à la symbiose. Ce pacte monstrueux remonte à la chute du Mur de Berlin et a engendré le progressisme, le léviathan post-moderne. Autrement dit, congédier le progressisme nécessiterait de dynamiter l’édifice entier, le capitalisme mondialisé inclus.
Les brimades infligées aux populistes de droite illustrent l’impasse d’un système qui ne peut plus se passer du progressisme donc de la gauche. Jour après jour, les médias (avec l’assentiment des annonceurs qui les font vivre) rappellent à Trump, Johnson et Bolsonaro qu’ils sont rentrés par effraction dans le palais présidentiel.
Néron est au pouvoir et Rome brûle
En attendant, les élites pratiquent la fuite en avant. Elles mettent le feu à la société et assistent au spectacle d’un corps social porté à incandescence. Manière habile d’éblouir les crédules et de les empêcher de comprendre qu’ils sont opprimés par un pouvoir en carton-pâte : il suffit de le pousser pour qu’il s’écroule.
Sans discontinuer, les sociétés européennes sont bombardées par des obus tirés d’en haut. Sur la société française sont tirés les projectiles les plus dangereux et perfides. En voici une sélection :
Jeter du gros sel sur les blessures éternelles, jamais complètement refermées. Les femmes sont plongées dans une vendetta, sans nuances et sans quartiers, contre les hommes, tous les hommes. Les noirs sont intimés de ressasser la souffrance de l’esclavage alors que Martin Luther King et Léopold Sédar Senghor ont, chacun à sa manière, posé le principe de fraternité entre les races, il y a soixante ans. L’objectif est de faire sauter les points de suture, posés à grande peine par les générations antérieures, pour embraser la société.
Enflammer l’inconscient par un déluge de violence et de sexualité. L’essor de la pornographie n’est rien de plus qu’un discours adressé aux plus bas instincts. L’excitation permanente et le rut perpétuel sont censés congédier la lucidité.
Déboulonner l’excellence et promouvoir la médiocrité. Il suffit d’allumer la télé française pour constater l’hégémonie des derniers de la classe, ces pasteurs de la bêtise qui passent leur temps à se moquer des plus brillants d’entre nous. Résultat recherché : convaincre le peuple qu’il ne vaut rien puisqu’il est amusé par des médiocres.
Retourner les droits de l’homme contre les plus faibles avec le laxisme pénal, véritable politique d’Etat qui ne se cache même pas pour donner le dernier mot à l’agresseur.
Dissoudre la société à coup de privilèges accordés aux communautés, nouvelles corporations unies dans l’égoïsme et le narcissisme. Le collectif se dilue pour faire plaisir aux uns et acheter le silence des autres. On accorde ainsi aux dealers le privilège d’enfreindre la loi sans risquer la punition, aux jihadistes le droit d’aller en Syrie et d’en revenir comme si de rien n’était, aux indigénistes la liberté de faire feu de tout bois (même de la race), entre autres coups de canif au contrat social.
La tyrannie des eunuques
En France, l’incendie permanent est devenu un mode de gouvernance. Et ça marche ! Pour le moment, Néron est à l’abri des flammes, entouré d’une caste d’eunuques, jeunes imberbes qui haïssent le propos viril et réduisent la réalité à des indicateurs techniques, ceux qu’ils peuvent manipuler. Cette caste à mi-chemin entre le mandarin et la courtisane achève de démoraliser le corps social qui réclame à cor et à cri d’être gouverné. Les eunuques ne connaissent pas la disgrâce, en dépit de leurs faux pas à répétition, car leur vocation est d’incarner l’attirance des élites politiques pour les personnalités sans relief.
En marge, une partie de la magistrature française s’empare du champ laissé libre par les eunuques pour dicter sa loi. Une dictée mal intentionnée dont la grammaire se réduit à la punition de la société au nom des droits de l’homme. Vous connaissez le texte par cœur : l’indulgence pour les violents et l’oubli pour leurs victimes.
Ces petits malins, nichés dans la haute administration et dans la magistrature, commettent des erreurs cependant. Devant les gilets jaunes, ils ont pris peur au point d’autoriser les tirs à bout portant et de rendre des verdicts d’une sévérité inusitée. Un scandale qui a fait le tour du monde.
La seule bonne chose dans une atmosphère de fin de règne est cette odeur de brûlis qui annonce un changement radical du paysage. Il faut faire le pari de lendemains meilleurs même si on ne sait pas quelle distance nous sépare du rivage clément où il nous sera permis de reconstruire. Que l’incendie ait lieu ! La vie reviendra, belle, fraiche et éblouissante.
La France ne sera jamais une cause perdue.
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