Tout étudiant en sciences politiques devrait suivre attentivement ce qui se passe au Brésil. Se jouent ici plusieurs drames simultanés dont la portée est universelle. En ce moment, le Brésil démontre à lui-même et au monde qu’une démocratie n’est pas du tout immunisée contre le cynisme, la médiocrité et la trahison de la patrie. La démocratie brésilienne est un fruit pourri qui se décompose à vue d’œil et sans aucune pudeur.
Prenons le cas du covid comme fil conducteur de notre raisonnement.
En avril 2020, immédiatement après le déclenchement de la pandémie, la Cour Suprême brésilienne a interdit au président Bolsonaro de s’immiscer dans la gestion de la crise. Au mépris de la séparation des pouvoirs, les juges ont transféré les commandes aux gouverneurs et aux maires. A eux de s’occuper des soins, des importations de médicaments et des mesures dites sanitaires.
A l’époque, personne n’y a rien trouvé à redire, à part le président et ses partisans (mais de leur avis tout le monde se moque car ils sont de droite…). Au diable la légitimité ! Au diable le respect du vote populaire !
Souvent incompétents voire corrompus, les gouverneurs et les maires n’ont pas su gérer la crise covid. Le virus s’est propagé nonobstant les confinements et les restrictions aux libertés. N’ont été obtenus que la ruine de l’économie, la paupérisation des classes populaires et moyennes ainsi que la déscolarisation des enfants. Un véritable crime contre le peuple lorsque l’on sait que la plupart des enfants des favelas vont à l’école, tout simplement, pour manger un repas chaud, servi par l’Etat.
Pieds et poings liés, Bolsonaro a servi de banque. Il a transféré plus de 100 milliards d’euros (soit 8% du PIB de l’année 2020) aux gouverneurs et aux maires pour qu’ils achètent des masques, équipent les hôpitaux et atténuent la détresse des gens.
Une partie de cet argent a été dilapidée, personne ne sait combien. Quelques malchanceux se sont faits attraper quand même comme le gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro, Wilson Witzel. Ce jeune espoir de la droite a perdu son poste suite à des malversations dans des marchés publics pour l’acquisition d’hôpitaux de campagne et de respirateurs…
Devant l’évidence que le virus continuait à circuler et à muter, les gouverneurs et les maires ont retourné leur veste et ont imputé à Bolsonaro l’échec de leurs politiques. Ce tour de passe-passe a eu lieu en janvier 2021 au plus fort de la crise du covid en Amazonie. L’apparition d’un variant dit de Manaus a permis de sidérer les derniers journalistes encore lucides et de vendre au monde entier la thèse selon laquelle « Bolsonaro a eu tout faux et qu’il est le seul coupable du fiasco sanitaire ».
Or, comme nous venons de le voir, Bolsonaro n’a pas été présent sur la scène du crime.
Depuis janvier dernier, le pays vit au rythme de ce tour de magie entrepris par l’establishment brésilien. Car au lobby des gouverneurs et des maires des grandes villes s’ajoutent des groupes d’intérêts qui ont des comptes à régler avec le président : le groupe audiovisuel Globo qui suffoque suite à l’assèchement des budgets de communication de l’Etat fédéral ; tout ce que le pays compte comme ONG progressistes, désespérées de faire tomber Bolsonaro afin de retrouver les subventions perdues ; politiciens véreux, contrariés par le refus du gouvernement fédéral de faire un pacte de corruption en échange de leur appui politique… Et la liste des « amis de la démocratie » brésilienne est longue.
Cerise sur le gâteau : la Cour Suprême, la même qui a dépouillé Bolsonaro de ses pouvoirs, a installé une commission d’enquête parlementaire (vive la séparation des pouvoirs !) pour chercher des poux à Bolsonaro au sujet de la pandémie…qu’il n’a pas gérée parce qu’il avait les mains enchaînées par la décision de la Cour Suprême. A la tête de cette commission, se trouvent deux grandes figures de l’opposition « démocratique » et « républicaine » : le Sénateur Renan Calheiros (poursuivi dans 17 procès pour corruption) et le Sénateur Omar Aziz (mis en cause dans un scandale de corruption dans les hôpitaux de l’Etat de l’Amazonas).
En France bien sûr, nous sommes tombés dans le panneau. A notre décharge, il faut dire que les correspondants des journaux français de référence ne nous aident pas à décoder ce qui se passe sur le terrain. En plus du masque obligatoire, ils se sont équipés d’œillères idéologiques woke qui transforment Bolsonaro en un sosie d’Hitler.
L’alliance des petits malins, des bandits et des idiots utiles est cimentée par une haine commune à l’endroit de Bolsonaro. Qu’est-ce qui lui est reproché au juste ? Ne pas rendre le culte dû à la divinité covid. Hérétique, il ne s’est pas agenouillé devant le virus, il n’a pas cessé de vivre et d’aller à la rencontre des Brésiliens, il n’a pas communié avec les confinés et les abrutis qui ont vu dans le virus la Révélation. Tel est le fond du problème de Bolsonaro : il n’a pas compris qu’une religion nouvelle était en train d’advenir, une religion à la fois sanitaire, écologique et sociétale. Nous sommes en plein mois de l’orgueil LGBTQIA, il devrait s’agenouiller et faire une prière. Comme il est une tête de mule, il ratera encore cette occasion de bien se faire voir des maîtres du monde !
C’est pour cela, c’est parce qu’il ne se soumet pas à la folie des élites que le petit peuple l’aime. C’est simple, plus le Brésilien est déshérité plus il a tendance à voter Bolsonaro.
La question est la suivante : est-ce que Bolsonaro est la solution aux souffrances du peuple brésilien ? Être le souffre-douleur du système ne suffit pas à faire d’un leader l’homme de la situation. Honnêtement, je n’ai pas la réponse à cette question. Une chose est sûre : il n’y a pas d’alternative à Bolsonaro aujourd’hui, la démocratie brésilienne étant une pépinière stérile où prolifèrent les mauvaises herbes et les arbres-nains.
Est-ce que la situation est bien différente en France ?
Article publié à l’origine sur Causeur.fr le 03 juillet 2021
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